Une chasse mal-commencée
Amanti, le visage tendu par la concentration, observait un troupeau de yerik. Les herbivores, insouciants de la présence de la chasseresse, paissaient en toute tranquillité dans les plaines aux horizons infinis. Les muscles prêts à bondir, une flèche encochée dans son arc, la jeune na'vi attendait le moment propice.
Une petite brise fraiche secoua ses cheveux. Gênée par ce soudain embêtement, elle leva sa main libre avec une lenteur infinie, et replaça une longue mèche rebelle derrière ses fines oreilles pointues.
La prochaine fois, pensa-t-elle en pestant contre elle même,
je penserai au moins à m'attacher ces foutus cheveux. Je devrais peut-être les couper, le Lien n'a pas besoin d'une telle crinière.Un nouveau coup de vent, plus brusque cette fois, acheva de la mettre en colère. Les hautes herbes, d'où elle s'était tapi, ondulèrent en immenses vagues vertes. Amanti se tassa sur le sol du mieux qu'elle pouvait, et sentit un désagréable goût d'humus sur sa langue.
Puis, elle reporta son attention sur le troupeau. Lequel prendre ? On lui avait apprit à débarrasser le troupeau des éléments faibles, trop vieux ou malades. Elle aidait donc le troupeau, en limitant la prolifération excessive et en ne touchant jamais – ou du moins quand cela n'était pas nécessaire à la survie de son peuple - les individus sains.
L'équilibre de la Nature était le soucis d'Eywa, et ses enfants étaient là pour veiller à exécuter ses desseins.
Amanti repéra un vieux yerik qui s'était éloigné du troupeau. Il broutait difficilement, mais sa viande vivrait pour toujours au travers du Peuple, les fils de la Déesse-Mère.
La jeune na'vi releva son arc, et commença à ramper en direction de l'animal; elle humecta un doigt, et vérifia que le vent n'avait pas changé de direction. Ce simple détail était le facteur de sa réussite: son odeur l'aurait démasquée.
Parfait, le vent soufflait toujours dans sa direction. Rassurée, elle reprit son avancée vers sa proie.
Elle n'était maintenant plus qu'à quelques mètres. Amanti plissa les yeux, et visa le cœur; elle voulait tuer le yarik sur le coup, et ainsi, l'empêcher de souffrir.
Un soudain piétinement de sabots résonna dans les plaines. Les yerik relevèrent la tête à l'unisson, et se tournèrent vers l'origine du bruit.
Oh non, pas ça...Quatre pa'li mâles, sauvages, galopaient dans leurs directions. La saison des amours battait son plein: ces placides animaux devenaient agressifs, et n'hésitaient pas à attaquer quiconque qui entrait dans leurs territoires.
Amanti fit un bon en arrière, et évita de justesse un pa'li furieux. Les trois autres se ruèrent sur les pauvres yerik, qui s'enfuirent en poussant des bêlements paniqués.
Les pa'li disparurent aussi vites qu'ils étaient venus. La jeune na'vi reprit difficilement ses esprits, et la stupeur laissa place à la déception. Il n'y aurait pas de viande, ce soir, au menu...
Un bêlement, pas plus haut qu'un gémissement, attira son attention. Elle fit quelques pas en avant, et remarqua une femelle yerik, grosse de quelques semaines, étendue sur le sol. L'animal battait l'air de ses fins sabots, tendit que son ventre alourdit pas la grossesse se soulevait en une respiration saccadée. Un filet de sang s'écoulait du crâne déformé de la yerik. Un pa'li lui avait fracassé la tête de ses lourds sabots.
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Je te vois, et te remercie de tes bienfaits, récita-elle selon l'usage.
Ton corps reste ici et continuera à vivre à travers le Peuple, mais ton esprit rejoint Eywa. Amanti attrapa la dague qu'elle portait attachée à sa longue et mince cuisse, et l'enfonça profondément dans le cœur. L'animal poussa un dernier gémissement, et ses yeux se fermèrent pour toujours.
La jeune na'vi ne rentrerait pas bredouille ce soir; elle attrapa les longues pattes de l'herbivore, et le hissa sur ses frêles mais puissantes épaules. Puis, elle siffla, et Axiawé, son propre pa'li, arriva quelques instants plus tard. Amanti déposa le corps du yerik sur la croupe de sa monture, et d'un bond agile, sauta à son tour dessus.
-On rentre à la maison, dit-elle en faisant le lien.